Toutes ensemble

Lorsque l’on nous a contacté pour la participation à ce projet, je me doutais fortement que ce ne serait pas simple. Comme à chaque fois, je savais aussi pertinemment que l’on vivrait des moments forts et inoubliables. Effectivement, les deux se sont passés. Je suis très heureux de vous présenter ce projet « Toutes ensemble », mené avec des jeunes femmes mineures placées en foyer. C’est triste mais c’est ainsi. Si l’art permet d’évacuer plein de choses et de modifier, ne serait-ce que pour quelques heures, un quotidien complexe, servons-nous en à fond. Je reste un éternel convaincu que notre force sera dans les actions collectives. Je milite pour faire entrer dans toutes les structures quelles qu’elles soient l’art sous toutes ces formes.  Tous les domaines culturels influent inconsciemment ou sciemment sur nos pensées, nos comportements et modifie notre humeur. 

Pendant les vacances de la Toussaint, j’ai posé mes valises, mes pots de peinture, mes cahiers et mes pinceaux au foyer Labarthe de Bordeaux. C’est juste derrière chez moi et croyez-moi j’ai refait le monde des dizaines de fois, cheveux au vent, en rentrant du foyer en pédalant à fond sur mon vélo électrique. 

La finalité de cette aventure nous a amené à la réalisation d’une fresque sur le mur d’accueil du foyer. A l’origine, cet espace est gris et pas très accueillant. Nous avons essayé de changer la donne même si clairement nous ne modifierons pas ce qui se passe ici. Après notre intervention, on espère de tout cœur que parfois certaines des filles se sentiront fières, fortes et heureuses d’avoir participé à un tel projet.   

Malgré la difficulté d’un quotidien complexe, l’énumération des doux moments vécus ici me remplissent le cœur. Je me souviens notre première rencontre dans la salle d’activité, les discussions légères et les quelques rires qui flottent dans l’air. Parfois on se confronte, s’affronte, parfois on rit, souvent on espère et de temps en temps on se laisse aller. Je vois et ressens les vécus difficiles, les relations compliquées. On attend avec impatience les repas qui sont tout de même tendus, mais au moins on est toutes ensemble. Il y a eu la pièce de théâtre des Ladies en Colère que nous sommes allé.es voir en petit comité, la visite de la maison témoin de Le Corbusier à Pessac, le merveilleux Cyril qui nous a guidé pendant deux heures avec plein de concepts qui je suis persuadé résonneront fort un jour dans la tête de toutes et tous. Je me souviens comme si c’était hier l’après-midi à la fête foraine, le gros churros pas très bon, les sourires sans forcer, les cheveux qui tombent du ciel en plein manège, la foule oppressante, les longues queues, le repas en équipe dans ma cantine japonaise pessacaise, les heures de peinture, de rigolades, de plaid, le rangement qui ne s’arrête plus, ma voiture qui ne veut pas que je m’en aille et qui ne démarre pas. La liste est longue. Je prends conscience que quoi qu’il arrive quelque chose nous lie. 

Certaines des photos prises ont été réalisé par Anne-So, ma précieuse assistante, chargée de projet  et par Brice Lafon son amoureux et le mien aussi. 

Les filles qui souhaitent être en photo ou reconnaissable sont peu nombreuses. Elles sont donc très souvent de dos ou avec le visage caché. J’aurais sincèrement souhaité l’inverse afin que vous voyiez comme moi de grands sourires, des yeux qui pétillent malgré la dureté d’une vie compliquée.